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Par MINERVIEWS
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DES ROUTES MORTELLES VERS L'EUROPE : QUAND LA MIGRATION SÈME LA DISCORDE AU SEIN DE L'UE

La quête d’un avenir meilleur justifie-t-elle tant de victimes ? D’après l’organisation internationale pour les migrations, 25 000 personnes auraient trouvé la mort en tentant d’accéder aux côtes européennes entre 2014 et 2022. Ces données confrontent les États européens à leur absence d’initiatives directes et à la violence de leurs frontières.

D’après la Commission Européenne, on estimait le nombre de franchissements irréguliers de frontières européennes à 331 400 en 2022. Ces chiffres sont récoltés par l’agence Frontex, programme créé en 2004, afin d’aider les États membres de l’espace Schengen à surveiller leurs frontières extérieures. L’objectif est de permettre une libre circulation entre les pays membres, tout en assurant des contrôles stricts à chaque point d'entrée.

Cependant, aucun dispositif statistique officiel n’a été mis en place pour déterminer le nombre exact de disparus en Europe. De nombreuses associations, telles que la Cimade, Amnesty International ou encore SOS Méditerranée, tentent de pallier ce manque de données chiffrées, afin d’illustrer un défi meurtrier sur la scène internationale.

Si ces associations semblent essentielles, c’est parce que la notion de mort dans le thème de la migration n’est que rarement considérée. La majeure partie des institutions européennes qualifie un migrant de « disparu », et non de « mort », déresponsabilisant ainsi ces instances sur le plan commémoratif. Une personne disparue suggère du doute, voire de l’espoir, sans assumer la culpabilité. Les États européens s'opposent, puis tentent de collaborer, jusqu’à en oublier ce que la mort signifie.

Ainsi, les considérations politiques unilatérales des États membres poussent l’UE à durcir son arsenal législatif. Le projet du Pacte sur la migration et l’asile, présenté en 2020 par la Commission Européenne, en est le résultat. Initialement défendu comme un mécanisme de solidarité, ce projet s’apparente plutôt à un traitement radical des demandes d'asile aux frontières extérieures, à l’aide de camps de rétention.

La question migratoire, bien qu’elle fasse l’objet d’importants débats internes aux gouvernements des pays, crée également de vives controverses entre les États membres. La mort, l’accueil, ainsi que l’aide, humanitaire et/ou financière, des migrants au sein de l’UE engendre d’importantes tensions diplomatiques. Ainsi, les États individualisent leurs décisions, ne permettant que rarement un accord commun, pourtant nécessaire autour de cet enjeu collectif.

Les pays proches de la Méditerranée sont les plus concernés par les flux migratoires, ils sont la première porte d’entrée en Europe. Ce sont généralement eux qui possèdent les politiques migratoires les plus controversées et rigides.

C’est le cas du corps parlementaire italien, qui instaure le 23 février 2023 une loi visant à empêcher les sauvetages réalisés par les ONG. De plus, le gouvernement Melloni a institué, le 18 septembre 2023, de nouvelles mesures de dissuasion envers les migrants, telles que l’augmentation de la durée de rétention, ou encore la non prise en charge de mineurs dans des structures adaptées.

Ce n’est pourtant pas cette “sécurisation” permanente des frontières qui dissuade les migrants d’entreprendre le chemin vers l’Europe. Ces mesures renforcent simplement les difficultés d’accès de ces derniers aux potentielles aides, et augmente donc les risques en chemin.

En mai 2023, le gouvernement français a émis une critique quant à la gestion de la crise migratoire italienne. Celle-ci a entraîné une tension diplomatique entre les deux États, tension illustrée par l’annulation du déplacement du ministre des Affaires étrangères italien en France.

Si des désaccords persistent, les États membres de l’UE semblent globalement se rejoindre sur un point : le rejet commun de toute forme de responsabilité quant aux décès des immigrants amorçant leur périple vers l’Europe.

Par Nils Gales et Léa Riguet


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la mort, consultez les articles de nos rubriques Culture et Société sur notre blog.

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