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Par MINERVIEWS
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L'EMPRISE DES LOBBYS SUR LES POLITIQUES AGRICOLES DE L'UNION EUROPÉENNE

Face à la montée exponentielle de la crise agricole sur notre continent, le rôle des lobbys devient crucial dans la prise de décisions de l'Union Européenne, orientant ainsi les politiques européennes dans leurs intérêts, en dépit de l’urgence climatique.

Bruxelles, la capitale européenne du lobbying et deuxième capitale mondiale derrière Washington, abrite plus de 25 000 lobbyistes au sein des institutions européennes. Ainsi s’entretiennent des rapports privilégiés avec les bureaucrates et politiciens situés dans la capitale belge. Si besoin il y a, les lobbyistes dépensent des centaines de millions d’euros par année dans le but de conserver leur intérêt face au point de vue des politiques.

L’agriculture au sein de l’UE représente un secteur central des groupes d’intérêts, d’autant plus que le budget aloué à l’agriculture est le plus important de l’Union. Les principaux lobbys agricoles défendent une libéralisation du marché économique, et luttent contre les nombreuses régulations, y compris environnementales, qui sont proposées par le Parlement Europpén. Une dynamique qui rentre en contradiction avec les ambitions écologiques de l’Union, et relègue donc la priorité écologique au second plan dans la politique agricole.

De plus, les lobbys agricoles ont un avantage : la forte coopération et entente au sein même des différents lobbys dans le but de défendre leurs intérêts similaires rendent leur approche très efficace, ajoutant aux moyens financiers des avantages structuraux importants.

La pression exercée par les lobbyistes a un effet direct sur le travail législatif européen. De nombreux exemples démontrent que les prises de décisions se jouent souvent au dépend des enjeux climatiques. En novembre dernier, le Parlement Européen a adopté une mesure nommée « Euro 7 » qui vise à réduire la pollution automobile. Pourtant, une enquête du site VoxEurop, révèle que le texte de loi a été vidé de sa substance, perdant de nombreux points importants,  tels que de réelles mesures punitives contre la pollution, se limitant ainsi à des demi-mesures. Le texte proposé présente certes des restrictions pour lutter contre la pollution, mais elles sont bien trop éloignées des véritables besoins pour lutter contre le réchauffement climatique. Les émissions toxiques d’azote des véhicules diesels vont devoir suivre les normes établies en 2014 pour les véhicules à moteur essence. Une mesure qui ne propose donc pas une avancée mais une mise à niveau de normes établies près de 10 ans auparavant.

Les lobbies de l’agriculture participent aussi à ce jeu. Ceux des pesticides sont particulièrement engagés à participer au débat législatif européen. En novembre 2023, les pesticides, dont le très débattu glyphosate (en 2015, l’OMS classe le glyphosate comme « probablement cancérigène »), ont fait face à un vote au Parlement visant à réduire leur usage par moitié jusqu’en 2030. Mais le projet de loi fut rejeté par les eurodéputés, écartant ainsi un texte dont la substance avait déjà été vidé par les lobbys.

L’emprise des lobbys est symptomatique d’un problème plus large auquel nous faisons face. L’économie domine tout, et ce aux dépends de l’écologie, trop souvent mise de côté. Pourtant, c’est bien la pause des politiques climatiques qui est utilisée pour répondre aux problèmes politiques. Pour résoudre la crise agricole en France, le gouvernement a annoncé la mise en pause du plan Ecophyto (visant à réduire l’utilisation de produits phytosanitaires de 50% pour 2030). L’urgence climatique ne devrait-elle pas inciter davantage à contraindre l’économie plutôt que l’écologie ?

Par Nathan Chaouat


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à l’agriculture, consultez les articles de nos rubriques Culture et Société sur notre blog.

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