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Par MINERVIEWS
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OUVERTURE DU MARCHÉ EUROPÉEN AUX PRODUITS AGRICOLES UKRAINIENS : QUELLES RÉACTIONS POLITIQUES EN FRANCE ?

À l’aube de l’attaque russe en Ukraine, l’Union Europénne a ouvert son espace de libre-échange commercial aux produits agricoles ukrainiens. Une décision qui fait l’objet de tentatives de récupération politique à la veille des élections européennes de juin 2024.

D’une mesure de solidarité à une concurrence déloyale

À l’origine, le marché européen s’est ouvert aux produits agricoles ukrainiens afin de leur permettre de transiter vers des régions extra-communautaires. Pourquoi ? L’occupation par l’armée russe des ports ukrainiens rend impossible le passage habituel du commerce pour l’Ukraine en Mer Noire. La logique étant que les produits – principalement le blé, les céréales, les œufs, le sucre, le poulet - devaient rejoindre leurs destinations habituelles, comme l’Afrique du Nord, en empruntant les routes européennes. Cependant, les produits se sont retrouvés injectés dans les économies nationales européennes : le poulet ukrainien dans les supermarchés comme symbole de ce dysfonctionnement. Après avoir abaissé les droits de douane pour l’Ukraine, la Commission a pris la décision de suspendre les droits d’importation dont devaient s’acquitter l’État ukrainien, jusqu’en juin 2025.

Politisation de la question des produits agricoles ukrainiens

Ces derniers mois, la question du « poulet ukrainien » fait débat au sein de l’espace politico-médiatique français. Les différentes personnalités politiques sont sommées de donner leur avis. Faut-il restreindre l’importation des produits agricoles ukrainiens ? Fervent défenseur de la cause ukrainienne, Raphaël Glucksmann, eurodéputé et tête de liste PS-Place Publique aux européennes, s’en réfère au « devoir de solidarité » vis-à-vis de l’économie ukrainienne en grande souffrance dans le conflit avec la Russie. Pour le député LFI-NUPES François Ruffin, cette mesure doit se conformer à son esprit originel, c’est-à-dire que l’ouverture de l’espace économique de l’UE aux produits agricoles d’Ukraine doit permettre un « transit pour les marchés nord-africains et que ce ne soit pas pour nourrir les marchés européens ». Dans un échange épistolaire avec le soutien de la liste « insoumise » mené par l’eurodéputée Manon Aubry pour les européennes, Raphaël Glucksmann a tout de même concédé à son correspondant que la situation actuelle n’est pas souhaitable à long terme. Il affirme en effet que « l’élargissement à l’Ukraine […] suppose une refonte de la Politique Agricole Commune, […] comme nous le rappelle la colère immense des agriculteurs. »

Fracture entre eurosceptiques et europhiles 

Les forces d’extrême-droite françaises sont partisanes d’un retour à la fermeture du marché européen sous prétexte d’un protectionnisme de notre économie. Ainsi, le Président du RN, Jordan Bardella,  tête de liste de son parti aux prochaines échéances électorales et défenseurs d’une « Europe des nations » pense qu’« il faut mettre fin aux accords douaniers avec l’Ukraine, il faut les arrêter tout de suite car ils remettent en cause l'agriculture française”. Quant à Pascal Canfin, très probablement candidat sur la liste de la majorité présidentielle menée par l’actuelle présidente du groupe européen « Renew », il se montre plus nuancé en cherchant un « point d’équilibre » entre le soutien à l’Ukraine et la défense de nos agricultures nationales. Le Président de la commission de l’environnement au Parlement européen défend, en effet, la mise en place de « quotas sur le poulet ukrainien de façon à empêcher une déstabilisation trop importante de la filière volaille » en rappelant le principe de solidarité.

Par Antonin Verdot


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à l’agriculture, consultez les articles de nos rubriques Culture et Société sur notre blog.

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