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Par MINERVIEWS
1 mars · 4 mn à lire
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IRAN : UNE DIPLOMATIE FÉMINISTE EUROPÉENNE FACE AUX VIOLENCES DU RÉGIME DES MOLLAHS

C’est la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, qui déclencha la vague de manifestations que l’Iran connaît aujourd’hui. Cette jeune fille kurde de 22 ans est morte à Téhéran trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour port du voile « inapproprié ».

Les manifestations débutèrent le lendemain, au matin du 17 septembre à Saqqez, ville de l’ouest de l’Iran et ville natale de Mahsa Amini. Elles se propagèrent ensuite dans le reste du pays. Plus qu’un trop plein général, dans une société traditionaliste et paupérisée par de fortes sanctions internationales, ces dernières sont aussi le symbole d’une lutte pour les droits des femmes contre le régime des Mollahs.

Suite à la révolution islamique de 1979, et leur montée au pouvoir, les Mollahs ont entravé les avancées des droits des femmes. Pourtant, à la chute de la monarchie absolue en 1906 grâce à la révolution constitutionnelle persane, les droits des femmes avaient progressés. Avec le pouvoir des Mollahs, la ségrégation des sexes fut instaurée, et le voile redevint obligatoire. Les avancées se firent alors uniquement pour les besoins de l’Etat : dans les années 1980 par exemple, les femmes entrèrent dans la vie active pour pallier le manque d'hommes dû à la guerre Iran-Irak.

Depuis le début des manifestations, on a assisté à une mobilisation des grandes puissances et instances internationales, pour élaborer une diplomatie féministe en réaction aux exactions des manifestants par le régime iranien.

Dans une résolution du 6 octobre 2022, le Parlement européen condamnait le meurtre de Mahsa Amini. Il y soutenait publiquement les manifestants iraniens, en particulier les femmes tout en dénonçant l’usage de la violence par les forces de sécurité iraniennes. Au travers de cette résolution, le Parlement européen appellait l’Union européenne à sanctionner les responsables du meurtre de la jeune Iranienne, et aussi des violences contre les manifestants. Les parlementaires européens ont aussi demandé l’ouverture d’une enquête impartiale par l’ONU, et son Conseil des droits de l’Homme, sur les événements. Dans cette optique, le Conseil européen, le 14 novembre 2022, adopta des conclusions sur les droits des femmes, la paix et la sécurité affirmant l’impératif de protéger le droit des femmes et des filles en Iran. Un mois après le début des manifestations, l’Union européenne a adopté progressivement une série de sanctions contre des officiels pour leur violation des droits de l’Homme, notamment des membres de la police des mœurs. La liste des personnes sanctionnées n’a cessé de s’allonger depuis le début des manifestations : 18 personnes et 19 entités y ont été ajoutées par le Conseil européen le 23 janvier 2023. On y retrouve d’importantes personnalités médiatiques et politiques, des représentants du gouvernement ou du parlement iranien, et des membres des forces de la sécurité iranienne, dont certains du Corps des gardiens de la révolution islamique. Ces sanctions sont très symboliques car elles ciblent le fondement du régime iranien : le corps des gardiens de la révolution. Les Iraniennes réussirent à obtenir le 3 décembre 2022 la dissolution de la police des mœurs. Cependant, le régime iranien reste ultra-conservateur sur la question des femmes.

Un autre geste européen eut lieu pour la Journée internationale des droits de l’Homme le 10 décembre 2022. Les ministres française et allemande des affaires étrangères décernèrent le prix franco-allemand des droits de l’Homme et de l’État de droit 2022 à Mahsa Amini et aux Iraniennes défendant leur liberté et leurs droits . 

En décembre 2022, le Conseil économique et social des Nations unies décida d’exclure l’Iran de la Commission de la condition de la femme, dont l’objectif est de protéger et promouvoir les droits des femmes dans le monde. D’après le New York Times, c’est la première fois qu’un Etat membre est exclu de cette commission : 29 pour, 8 contre et 16 abstentions. Dans le camp des contres se trouvaient des alliés politiques et économiques de l’Iran, comme la Chine ou la Russie, dénonçant une interférence dans les affaires intérieures d’une nation souveraine. Atena Daemi, militante iranienne pour les droits civiques, se réjouissait de cette exclusion dans un tweet, qu’elle considérait comme « une victoire, qui est le résultat de 43 années durant lesquelles les femmes iraniennes dirent « non » aux politiques misogynes de la République islamique».

Cette vague de contestation est la plus longue que l’Iran a connu depuis la révolution islamique de 1979. La réponse de l’Europe reste toutefois symbolique et inefficace face au régime des Mollahs toujours plus dur. De plus, les sanctions prises par les pays européens sont motivées : il ne s’agit pas uniquement de sanctions pour lutter contre la répression du mouvement féministe et des droits de l’Homme. Elles semblent aussi être accentuées au vu de la participation iranienne au conflit ukrainien à travers l’envoi de drones à la Russie. La question de la légitimité européenne à sanctionner l’Iran pour le non-respect des droits de l’Homme, et plus précisément des femmes, se pose quand la situation de ces dernières est remise en cause dans certains pays d’Europe.

Par Alex Chaumartin et Louison Villemain.


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré au féminisme, consultez les articles de nos rubriques Culture et Société sur notre blog.

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