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Par MINERVIEWS
1 mars · 4 mn à lire
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LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES : UNE OCCASION DE SOULIGNER LA DIVISION DE L'EUROPE ?

Avortement, figure de la mère et de l’épouse, égalité salariale, inclusion des femmes en politique… Faire l’état des lieux de la situation des femmes en Europe en souligne la désunion. Pourtant l’intégration européenne a imposé la cause féminine comme un enjeu culturel et politique majeur.

L’élargissement de l’Union européenne en 2004 s’est bâti sur le socle d’un respect inconditionnel des principes de l’Etat de droit et d’égalité. À ce titre, l’entrée dans l’Union s’est faite en concomitance avec la mise en place de dispositifs juridiques œuvrant en faveur de l’égalité femme-homme. 

Toutefois, l’Europe de l’Est ne semble pas réussir passer le cap voulu par l’Union. Les partis nationaux à tendances conservatrices, à l’instar de Fidesz en Hongrie, définissent le rôle des femmes en société comme celui d’une garante de la famille et de l’éducation. Deux Europes s’opposent alors : l’une porteuse d’une continuité ; l’autre brandissant sans relâche l’article 2 du traité sur l’Union européenne pour insuffler une nouvelle perspective de vivre ensemble. Le clivage tradition/modernité peut paraître restrictif, pourtant ce dernier est à l’image d’une Europe qui se déchire sur ses valeurs. 

Cet affront a d’ailleurs une incidence concrète sur le quotidien de l’Union : non-alignement diplomatique, rapports de force entre pays membres et instances centralisées à Bruxelles, sanctions, problématiques de gouvernance en raison des votes à l’unanimité, et fragmentation idéologique de l’Europe. Le droit des femmes n'est qu’un des volets de ce clivage. Il est un catalyseur, parmi d’autres, d’une tension entre deux pôles.

Lors d’une récente visite en Italie, la présidente hongroise Katalin Novák a salué dans le gouvernement Meloni « un ordre de valeurs chrétiennes qui privilégie les familles ». L’Italie affiche donc une proximité avec l’Europe portée par la Hongrie et la Pologne, celle refusant de voir son droit être subordonné à celui de Bruxelles. Cette autre Europe entend conserver son authenticité sans pour autant remettre en cause son appartenance à un projet européen qui, pour des motifs sécuritaires et économiques notamment, leur est profitable. 

En ce qui concerne l’avortement, il est notamment redevenu un sujet clivant depuis la décision de la Cour Suprême américaine à l’été 2022, laissant le choix aux Etats de revenir sur ce droit. Le Sénat français, lui, a adopté en première lecture la proposition de loi visant à inscrire la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Toutefois, l’avortement reste interdit et sanctionné à Malte, Andorre, et au Vatican mais aussi restreint en Pologne, Italie, Roumanie et Irlande notamment pour des raisons religieuses.

Intensification du travail institutionnel en Europe : une conséquence de la loi sur l’avortement en Pologne.

Suite à la décision du tribunal constitutionnel polonais de restreindre le droit à l’avortement le 22 octobre 2020, les relations entre les institutions européennes et la Pologne se sont intensifiées. Le droit à l’avortement aujourd’hui en Pologne n’est autorisé que sous trois conditions : risque pour la vie ou la santé de la femme, grande probabilité de dommages sévères et irréversibles sur le fœtus ou maladie incurable menaçant sa vie, et grossesse résultant d’une agression sexuelle. 

Un mois plus tard, le 26 novembre 2020 le Parlement européen adopta une résolution qui « condamne vivement l’arrêt du Tribunal constitutionnel » puisqu’il met gravement en danger la santé des polonaises. « 6 femmes sont mortes en 2022 parce qu’elles n’ont pas interrompu leur grossesses » selon l’eurodéputé socialiste polonais Robert Biedron, et les chiffres officiels. Les médecins qui souhaitent pratiquer l’avortement sont pris en étaux entre les femmes qui risquent parfois leurs vies et la peine d’emprisonnement encourue s'ils ne respectent pas l’une des trois conditions citées précédemment. 

De la même façon, le Conseil de l’Europe, ayant pour fonction première la défense des droits de l’Homme, a publié un rapport sur le droit à l’avortement en Pologne. Dans son rapport, la Commissaire aux droits de l’homme (du Conseil de l’Europe), Dunja Mijatović, dénonce les nombreux enjeux qui s’y réfèrent : les inégalités d’accès à l’avortement, la contraception, l’éducation sexuelle. En ce qui l’éducation sexuelle par exemple, cette dernière directement liée à l’accès à l’IVG car c’est l’endroit où l’on apprend aux filles à se protéger des grossesses non désirées. Cependant, elle a été supprimée des programmes scolaires en 1999, et réintroduite en 2009 sous la forme d’un enseignement optionnel sur la vie de famille.

Au-delà de la question de l’avortement, le tour d’horizon de la place des femmes en Europe révèle la division de l’Union européenne depuis son élargissement. Division notamment exacerbée par une opposition constante entre avancée et tradition. Réformer les règles de gouvernances et l’unanimité permettrait il de contrecarrer les craintes d’un blocage institutionnel ? L’ancrage du clivage sur les valeurs de l’Union révèle un véritable problème de fond questionnant le projet porté par l’Union.

Par Rose Lamalle


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