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Par MINERVIEWS
1 mai · 2 mn à lire
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LA MUSIQUE FACE A LA CENSURE POLITIQUE EN EUROPE

La musique est une forme universelle de partage artistique et personnel. Pourtant, comme toute autre forme d'expression, elle n'échappe pas à la censure politique, comme l’a illustré la Tchétchénie récemment. Il semblerait que même dans les démocraties libérales, la musique ne soit pas à l'abri de la censure.

La nouvelle est tombée.

Dès le 1er juin 2024, les tchétchènes ne pourront plus écouter de morceaux dont le rythme ne se cadence pas entre 80 et 116 battements par minute. Une mesure drastique annoncé par le ministre de la Culture, Musa Dadayev. Les œuvres jugées trop lentes ou trop rapides devront disparaître ou être recomposées pour imprégner « la mentalité » et « l’héritage culturel du peuple tchétchène », sous peine de condamnation. Cette directive frappe principalement les genres occidentaux tels que la techno ou la pop, perçus comme décadents. Subissant de fortes persécutions dans leur pays depuis 2017, les communautés homosexuelles de Tchétchénie, grands consommateurs de telles œuvres, rencontrent une nouvelle fois une répression quant à leur mode de vie.

Cette atteinte à la liberté renvoie à un engrenage contraignant bien plus large qui a traversé non seulement les époques mais aussi les frontières, celui de la question de la censure dans la musique.

La musique au service de la politique

Consacrée à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, adoptée en 2000, la liberté d’expression garantit à tous le droit de recevoir ou de communiquer des informations, des idées, des œuvres, à l’abri de toute ingérence des autorités publiques. Or, la censure dans le monde de la musique continue encore aujourd’hui d'ériger des barrières à la liberté d'expression artistique à travers le monde.

La musique est éminemment politique. Des artistes en font les frais tous les jours. En 2019 ,à travers le monde, neuf artistes ont payé le prix de leur vie et soixante-et-onze ont été emprisonnés, pour avoir osé contester et critiquer à travers leurs chansons, révèle un rapport de Freemuse publié en 2020.  

Des cas européens témoignent également ce contrôle étroit de la musique. En 1986, le morceau « Cuervo ingenuo » du musicien Javier Krahe a été censuré par le gouvernement démocratique espagnol alors en place. Il dénonçait, à travers ses paroles, l’ambiguïté idéologique du parti socialiste, le PSOE, à l’égard de l’entrée de l’Espagne dans l’OTAN.

La « censure » peut-elle être justifiée ?

La liberté d’expression est une valeur fondamentale des démocraties modernes. Mais y a-t-il une limite à la liberté d’expression ? Pour l’Allemagne, la réponse est oui. Selon sa loi fondamentale, la liberté d’expression peut être « abusée » pour « combattre l’ordre constitutionnel et démocratique ». Cela se traduit notamment par la lutte contre les symboles nazis, qui s'étend également au domaine musical.

En Allemagne, toute individu chantant ou écoutant une des nombreuses chansons de propagande nazie est susceptible d’être punie par la loi. Parmi celles-ci figurent celles du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), de la Jeunesse Hitlérienne ou encore des sections d'assaut (SA). La simple mélodie peut mener à la condamnation pour cause de propagation ou d’adhésion à l’idéologie nazie. Pourtant, une ambivalence persiste :  l’hymne nationale de l’Allemagne nazie n’est pas interdit par la loi, comme le confirme une décision de la cour constitutionnelle de 1990. La raison à cela ? L’hymne allemande actuelle est en fait la troisième strophe de « Das Deutschlandlied », dont la première strophe est… l’hymne nationale de l’Allemagne nazie.

À la fois faut-il condamner les chansons nazis et en même temps faire une exception pour l’hymne national hitlérien qui entre dans le cadre de la “liberté artistique”. Reste donc toujours le débat opposant la liberté d’expression absolue face à un encadrement nécessaire. 

Par Méline Vert et Nathan Chaouat.

*Image de couverture du dessinateur turc Selçuk Demirel.


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la musique, consultez les articles de nos rubriques Société et Relations Internationales sur notre blog.

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