La culture du viol selon la définition de ONU Femmes (1) : « un ensemble de comportements qui minimisent, banalisent, excusent et justifient les agressions sexuelles, ou les transforment en plaisanteries et divertissements. Le corps des femmes y est considéré comme un objet destiné à assouvir les besoins des hommes. »
Une des conséquences majeure de la culture du viol est qu’il a été dépolitisé pour être pathologisé. Pour qu’un violeur ne récidive il est pris en charge en psychiatrie. L'absence d’agression sexuelle par la suite serait le résultat du travail médical que les psychiatres nomment la « désistance » comme si le viol était indépendant de toute structure sociale, juste une maladie.
Anne-Hélène Moncany, psychiatre en milieu carcéral, estime que c’est une erreur de pathologiser strictement le viol. Cela oblitère le fait que les violences sexuelles et la culture du viol sont d’abord des phénomènes sociétaux issus de rapports de domination.
Ainsi il convient d’éduquer et non pas seulement de soigner.
Les plateformes de communications où l’on s’exprime librement ne sont pas immunisées contre les discours de la culture du viol qui y abondent. L’une d’elles, Telegram, permet la diffusion de tout contenu sans être tracé.
Cette plateforme permet d’échanger des discussions avec des messages chiffrés, échappant ainsi à la surveillance et à la censure étatique.
En France c’est l’affaire Pelicot qui témoigne de cette culture du viol conjugal banalisée : le mari s’approprie le corps de sa femme, la drogue et la fait abuser par des inconnus.
En Allemagne un schéma de ces agressions sexuelles se répète à travers Telegram glorifiant les violences sexuelles comptant une dizaine de milliers de membres. Dans plusieurs groupes ses membres s’envoient des informations, partagent des conseils sur la manière de violer. Des photos, des vidéos sont relayées pour témoigner de l’efficacité des techniques. Parmi ces utilisateurs, certains affichent comment ils ont pu droguer et abuser de femmes : conjointe, cousine, mère ou sœur. Telegram laisse ses utilisateurs discuter de sordides viols. Le réseau social par son laxisme, témoigne de sa participation directe à la banalisation, voire à la glorification, de la culture du viol.
En Serbie il n’y a pas de loi sur le revenge porn, seule une plainte nominative peut donner lieu à des poursuites or Telegram garantit l'anonymat et fait circuler toujours plus de contenu.
Selon la juriste Justine Atlan, cela est vécu comme un viol. Selon l’ONG Osnazene – « Femmes puissantes », des chaînes serbes font circuler des revenge porn avec les données personnelles de la victime. S'ensuit une vague de harcèlement, les abonnés utilisent les codes « -18 » ou « commerce d'ado » pour trouver des contenus pédopornographiques. La présidente de l’ONG Stasa Ivkovic relate : « Des hommes, souvent jeunes, prennent en photo leurs mères et leurs sœurs, puis envoient les images dans ces groupes pour les noter, les partager ». Dans d'autres chaînes, une liste de critères propose des photos de mineures et de femmes âgées.
L’image de ces femmes est contrôlée par des hommes qui cherchent à dévaster leur vie, à contrôler leur image. Dans le cas de la Serbie, ce phénomène est dû à la persistance du patriarcat. Les stéréotypes de genre et la culture du viol y sont profondément enracinés, les femmes sont, selon le Commissariat à la protection de l'égalité, « la propriété des hommes ».
Sur Telegram ces violences sexuelles, ces viols sont banalisés par des hommes de tous âges, perpétuant un comportement violent, une culture misogyne dégradante. Les violences sexuelles ne connaissent pas de limites ni de jugement moral au sein de ces chaînes et deviennent même une banalité inquiétante.
La culture du viol est profondément véhiculée à travers ce réseau, il constitue un véritable Eldorado de prédateurs sexuels.
(1) https://www.unwomen.org/fr/news/stories/2019/11/compilation-ways-you-can-stand-against-rape-culture
Par Farah El Bahoua
Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la culture du viol, consultez les articles de nos rubriques culture et relations internationales sur notre blog.
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