LE RETOUR DE TRUMP : DES RÉPERCUSSIONS DOULOUREUSES POUR L'EUROPE MILITAIRE, ENVIRONNEMENTALE ET ÉCONOMIQUE

Alors que l’ancien président américain prépare son retour à la Maison-Blanche, les préoccupations et scénarios catastrophes en Europe se multiplient. Droits de douane, Ukraine et engagement climatique inquiètent la communauté européenne.

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4 min ⋅ 01/01/2025

Retour en force de l’isolationnisme états-unien : une Europe sans défense ?

 Pendant la campagne électorale, le candidat Trump a laissé planer un doute sur le soutien militaire américain à l’Europe dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Consistant à la levée in fine du bouclier nucléaire américain, la menace du président élu concerne les États européens qui auraient de faibles dépenses militaires. En clair, les pays dont les crédits militaires sont inférieurs à 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) seront laissés à leur compte en cas d’agression russe. Ce chantage à la dépense ne semble pourtant pas s’adresser aux pays d’Europe centrale et orientale qui pourraient être la future proie de la Russie à moyen terme. Ces pays d’Europe de l’Est suivent fidèlement la règle des 2 % de PIB, la Pologne en tête avec 3,9 points de PIB alloués au budget militaire en 2023. Les pays baltes font aussi figure de bons élèves : leur contribution est autour de 2,5 % de leur PIB respectif. Avoisinant la Russie avec une frontière qui s’étend sur 1340 kms, la Finlande consacre 2,45 % de ses richesses nationales pour le domaine militaire. Le pays ayant rejoint l’OTAN en avril 2023 a même mis sur rail un plan quadriennal afin d’augmenter son budget militaire de 40 % d’ici à 2026. Mais alors, à qui s’adresse l’ultimatum de Trump ? Aux pays d’Europe de l’Ouest qui contribuent moins à l’effort budgétaire de défense que leurs voisins à l’Est en valeur relative. La part allouée à la dépense militaire de la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne notamment se situe sous la barre des 2 % avec respectivement 1,9 %, 1,57 %, 1,46 % et 1,26 % du PIB. Trump, par sa boutade, souhaite écorcher les discours « belliqueux » tenus en Europe occidentale. Une menace qui concerne les pays d’Europe les moins concernés par la menace russe. En bref, une épée de Damoclès en plastique…

Quant à la guerre en Ukraine, le Président élu Trump semble vouloir suspendre l’aide financière apportée au pays agressé depuis près de 2 ans. Lors de ses meetings et interviews, il s’est montré en faveur d’un règlement du conflit à court terme. L’avantage ne va pas à l’Ukraine, qui n’aurait pas d’autres choix que de céder des territoires : la Crimée, le Donbass voire l’ensemble du sud-est du pays actuellement occupé. Lors d’éventuelles négociations avec la Russie, l’Ukraine pourrait faire la promesse de ne jamais adhérer à l’OTAN ni même à l’UE. Le désengagement des États-Unis aurait pour conséquence de fragiliser la stabilité du continent européen en légitimant l’usage de la force.

Le climato-scepticisme convaincu de Trump : une fragilisation de la diplomatie climatique

          « Drill, baby, drill » (fore, chéri, fore), un slogan qui résume en quelques mots les politiques, énergétique et climatique, prévues par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Ce dernier prévoit de se retirer de nouveau de l’Accord de Paris et souhaite tenir sa promesse de rétablir une « domination énergétique américaine », en redressant l’utilisation des énergies fossiles, et en stimulant l’extraction de pétrole et de gaz américains. Les États-Unis détiennent jusqu’ici un beau palmarès énergétique, en se plaçant à la 1ère place en termes de production pétrolière ainsi qu’à la 2ème au sujet de l’émission de gaz à effet de serre dans le monde. L’élection de Trump, considérée par les écologistes et scientifiques comme un jour noir pour le climat et son retour comme « le plus grand recul civilisationnel et climatique de notre planète », alimente une crainte généralisée vis-à-vis des enjeux écologiques. Les États-Unis avaient pour but de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 à 52 % d’ici 2030, néanmoins, selon les calculs du site Carbon Brief, cet objectif ne parviendrait qu’à une baisse de 28 % d’émissions sous un second mandat de Trump, entraînant plusieurs milliards de tonnes d’équivalent CO2.

Un retour handicapant pour l’Union Européenne, complexifiant la continuité des projets, coopérations et réformes de lutte contre le réchauffement climatique entrepris par ces deux puissances. En effet, les négociations internationales en matière de protection du climat sont l’une des grandes priorités de l’UE avec par exemple le Pacte vert présenté par Ursula von der Leyen en décembre 2019. De nombreux défenseurs écologistes appellent l’Union européenne ou encore la Chine à s’emparer du leadership, cependant le soutien financier des États-Unis, dans la relève du défi environnemental, reste indispensable et l’UE aurait du mal à prendre les devants en comblant les fonds nécessaires à la transition écologique mondiale. Toute action américaine touchant au climat a des conséquences mondiales et « Trump peut nier le changement climatique autant qu'il veut, les lois de la physique ne se soucient pas de la politique » renseigne la physicienne Friederike Otto.

 

Quel avenir pour le marché économique européen et la régulation du numérique ?

D’un point de vue économique, les pronostics sont tout aussi pessimistes pour l’avenir de l’Europe et de ses relations avec les États-Unis. Tout d’abord, l’annonce du président élu concernant l’instauration de droits de douane de 10 à 20 % sur toutes les importations de son pays a provoqué un véritable coup de tonnerre, d’autant plus que les États-Unis, premier client de l’Union européenne, absorbent 20 % de ses exportations. Selon les économistes, ces politiques économiques, qui traduisent les promesses protectionnistes du futur président autour de la doctrine « America First », pourraient entraîner une baisse de 1 % du PIB de la zone euro, voire une dépréciation de l’euro de 10% par rapport au dollar, selon les analystes de Goldman Sachs. Aussi, certains différends commerciaux persistants concernant les droits de douane, sur l’acier et l’aluminium ou les subventions vertes au sujet des voitures électriques par exemple, risquent de s’envenimer sous l’administration de Trump. Ces scénarios mettent en évidence les disparités des impacts économiques entre les différentes nations européennes. La France est loin d’être la plus exposée à des perturbations économiques, l’Allemagne se révélant la plus vulnérable, suivie de l’Italie et de la Finlande.

L’annonce de la nomination d’Elon Musk, figure controversée, propriétaire de X et soutien actif de Donald Trump, comme ministre de l'Efficacité, représente un tournant pour l’avenir du numérique et de sa régulation. Musk est déjà impliqué dans plusieurs conflits avec la Commission européenne, autour de l’application « Digital Services Act » de 2023 concernant la modération et la lutte contre la désinformation sur les réseaux sociaux. Si de nouvelles tensions devaient avoir lieu entre le nouveau ministre et Bruxelles, les relations entre Trump et la Commission pourraient se détériorer. Cela entraînerait un risque d’abandon de sa part aux efforts internationaux dans la lutte contre la prolifération et l’utilisation abusive des logiciels espions commerciaux. En première ligne, la nomination de Brendan Carr à la tête du régulateur des télécommunications FCC présenté par Trump comme « un guerrier de la liberté d’expression » suscite également des préoccupations. Son intention de mener une croisade contre ce qu’il appelle le « cartel de la censure » laisse présager de futurs désaccords avec l’Union européenne. Enfin, le Conseil du commerce et de la technologie UE-États-Unis, créé en 2011 pour favoriser le dialogue sur des sujets tels que l’intelligence artificielle ou la cybersécurité, a peu de chance de survivre, au risque d’affecter les cyber-capacités de l’OTAN.

Par Antonin VERDOT, Nils GALES et Ulysse MARCILLAUD


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré aux conséquences des élections américaines sur l’Europe, consultez les articles de nos rubriques Culture et Société sur notre blog.

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