L'ABSTENTION, UN MOYEN D'EXPRESSION ? ENTENDRE LA JEUNESSE EUROPÉENNE
A l’approche du renouvellement du Parlement européen ce 9 juin, nous prêtons l'oreille à des étudiants et professeurs de différentes nationalités au sujet des enjeux internationaux qui nous touchent. Si elle ne se matérialise pas toujours en bulletin de vote, cette parole est éclairée et sait résonner dans des initiatives alternatives.
L’Union européenne au quotidien pour les jeunes
Diana, étudiante espagnole, décrit l’UE comme une « union économique entre plusieurs pays, facilitant la mobilité économique et le commerce. » Une définition largement partagée : Mattia, étudiant italien, évoque la « monnaie unique et forte » qui nous lie. Un professeur de droit français (anonyme) ajoute qu’il y a intérêt à « être plus résistant face aux monnaies fortes comme le dollar ou le yen ».
Au-delà de l’intérêt économique de cette union, l’idée de mobilité est revenue tout autant, et de différentes manières. La mobilité humaine, grâce à l’espace Schengen, tout comme celle des savoirs, au travers d’Erasmus, un programme d’échange universitaire qui permet par exemple à Mattia d’étudier en Grèce.
Enfin, cette cohésion politique permet une avancée équitable entre les 27 États membres sur certaines questions actuelles. Selon Diana par exemple, « sans ces politiques européennes, l'Espagne n'aurait même pas la moitié de ces politiques environnementales. » La Cour de Justice de l’UE permet ainsi de réguler les politiques nationales, sanctionnant les pays en cas de non-respect des accords établis.
Les avis relatifs à la cohésion sociale apportée par cette union se montrent davantage divergents. Diana a « l'impression que ce sentiment d'appartenance à l'Europe est très répandu” » au Danemark, et qu’« en fin de compte, cette culture européenne est un peu la culture des pays du Nord de l'Europe », alors qu’elle semble plus délaissée en Espagne par exemple. Dans les pays où le droit de vote pour les élections européennes est délivré dès 16 ans, de nombreux enseignants, comme Arnaud Demolder, professeur de sciences sociales en Belgique, créent des groupes de discussion, afin d’intéresser les jeunes aux institutions européennes et à leurs enjeux.
Pourtant, un désintérêt persistant pour les élections
Alors que l’UE apporte nombre d’avantages, les jeunes adultes boudent les isoloirs : paradoxal ? Lors des dernières élections européennes en 2019, seule la moitié des citoyens européens ont exprimé un vote. Si le taux de participation se maintient à un niveau très élevé dans les États où il est obligatoire, comme la Belgique (88,47 %) ou le Luxembourg (84,24 %), il est particulièrement bas en Slovaquie (24,74 %) ou en République tchèque (28,72 %). Les intentions de votes des Français semblent peu diversifiées, avec jusqu’à un tiers pour le Rassemblement National, et environ 2 % pour l’ensemble des « petits partis ». En Lituanie, deux cinquièmes des jeunes de 18 à 29 ans annoncent qu’ils n’iront pas voter. Nous retrouvons régulièrement le thème de l’abstentionnisme électoral dans la presse, et dans les actualités de la recherche en science politique.
« Je n’ai jamais voté aux élections européennes. Autour de moi, on parle de l’Europe comme s’il s’agissait d’une chose à laquelle nous n’appartenons pas, du genre : ‘les Européens ont fait ça’. [Pourtant] j’ai toujours voté aux élections nationales, régionales et municipales. » Diana.
L’abstention est-elle refus ou négligence ? Désintérêt ou défiance ? Si l’on peut penser que les jeunes générations ont la « flemme » de s’intéresser à la politique, l’abstention peut être un choix délibéré de se tenir à l’écart d’un système dont la pertinence laisse parfois à désirer.
« Les étudiants n'ont pas cette culture politique. Donc pour ma part, je la trouve toujours insuffisante, mais c'est aussi peut être en partie parce qu'ils ont des charges très lourdes. Beaucoup d'étudiants doivent malheureusement travailler et n'ont peut-être pas le temps de s'investir dans ces questions. » Professeur de droit (anonyme)
« Voter est utile, même si le type de démocratie représentative qu’on a actuellement connaît des défauts et pourrait définitivement inclure plus de moyens permettant aux citoyen.ne.s de participer plus directement, que simplement voter. » Phileas, étudiant.e allemand.e
Par ailleurs, le parlement actuel peut être perçu comme trop conservateur quant aux enjeux climatiques. La médiatisation parfois faussée de ceux-ci sur les réseaux sociaux (notamment les plateformes du groupe Meta) a fait ressortir la stratégie de décrédibilisation du Green Deal par le gouvernement russe. Pourtant prioritaires dans le choix de nombre d’Européens, ces enjeux sont parfois négligés par les eurodéputés écologistes eux-mêmes, comme du côté des Lettons.
« Je suis particulièrement inquiet des reculs qu’il y a eu en matière de politique environnementale au niveau de l’UE, et du renoncement de la Commission européenne sur le Green Deal et une politique agricole commune ambitieuse en termes écologiques. […] Je m’étonne de ce renoncement. » Professeur de droit (anonyme)
Au-delà du vote, la participation politique
La totalité des personnes interrogées affirme suivre l’actualité et parler politique avec son entourage. Le débat est une première porte d’entrée vers la conscience politique, qui peut ensuite donner lieu à de l’action. Diana raconte avoir « participé à beaucoup de manifestations et de blocages ». Les manifestations sont très prisées par les jeunes. Phileas rappelle leur importance, malgré le fait que, selon iel, « le tournant plus autoritaire des États a récemment réduit la possibilité de faire avancer les choses de cette manière. »
Étudiants et professeurs ont de nombreuses idées, notamment pour un système plus direct et locale, avec par exemple des « assemblées citoyen.nes » (Diana). Des initiatives se mettent en place dans ce sens, comme la « voting app » Smartwielen de l’Université du Luxembourg, qui permet de comparer les valeurs et idéologies de chacun avec celles des candidats ; ou le « Baromètre Vert » en Lettonie, qui permet aux électeurs sensibles à l’écologie de mesurer le niveau d’implication des partis dans la lutte pour l’environnement.
Une autre forme d’engagement politique : la participation à une association, à l’instar du professeur de droit, membre d’associations de défense de la langue française et de droit des minorités sexuelles et sexuées.
En somme, l'engagement politique de la jeunesse existe, sous de multiples formes. Le manque réside plutôt dans la confiance aux partis et aux instances politiques.
La question subsiste : plutôt embrasser le système en place ou le contourner pour donner vie à vos idées ? Quels sont les enjeux qui vous touchent et comment les portez-vous ? Savez-vous comment ils sont pris en charge par nos eurodéputés ?
Rendez-vous le 9 juin ?
Par Elisa Caba, Inès Jungmann, Lucie Petit & Myrtille Praire
Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré aux élections européennes, consultez les articles de nos rubriques Relations Internationales et Société sur notre blog.
MINERVIEWS
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