LE JOURNALISME CONSTRUCTIF, VERS UNE POSITIVITÉ DE L'INFORMATION

Face à une actualité saturée par les crises et les polémiques, une initiative européenne tente de donner un souffle différent à l’information : le journalisme constructif.

MINERVIEWS
4 min ⋅ 01/10/2025

Né au Danemark, ce courant fait déjà écho dans toute l’Europe et se décline à l’échelle locale, comme en témoignait l’expérience lyonnaise de Lyon positif, avec pour but de raconter le monde autrement. Plutôt que de se limiter à ce qui inquiète ou divise, il mise sur trois piliers : valoriser les solutions, apporter de la nuance et stimuler la conversation citoyenne. Une manière de rappeler qu’au-delà des drames, des dynamiques d’amélioration et de progrès méritent, elles aussi, d’être mises en lumière.

Transformer notre manière de diffuser l’information

Soigner le journalisme, c’est avec cet objectif qu’Ulrik Haagerup décide de développer une nouvelle manière de diffuser l’information. L’idée est simple, il s’agit de rompre avec les traditionnels effets de cadrage médiatique. Ceux-ci couvrent essentiellement les crises, les guerres, les catastrophes environnementales ou encore les polémiques politiques. Pour lui, ce modèle qui vise le sensationnel, la course aux « breaking news », attise un climat anxiogène qui grandit en lien avec les problématiques actuelles. Cependant, il ne s’agit pas d’ignorer le négatif : le journalisme constructif propose de valoriser les améliorations et le progrès ; « c’est donner un peu d’espoir, ça veut dire de garder son esprit critique, d’être dans la nuance, mais aussi de montrer qu’il y a des gens qui se bougent et qui font des choses. » explique Nathalie Massard, lauréate du prix du journalisme constructif en France.

Selon Haagerup, le journalisme doit évoluer, gagner en exactitude pour produire des « reportages plus exacts, équilibrés et axés sur les solutions » et surtout devenir constructif, c’est-à-dire inciter à agir et à réfléchir. Il ne s’agit plus seulement d'alarmer les populations : le journaliste doit prendre du recul sur les évènements afin de proposer des pistes de solutions, non pas « pour imposer sa solution, mais pour montrer le lien entre le problème et la solution » précise Lorenzo Di Stasi membre du réseau italien pour le journalisme constructif. 

Dans cette optique, Ulrik Haagerub fonde en 2017 le Constructive Institute. Ce dernier siège à l’Université d’Aarhus au Danemark. Néanmoins, il élargit petit à petit son champ d’influence dans le monde entier, avec de nombreuses antennes de recherches et d’informations à l’étranger. Justement, ce 16 septembre 2025, un pôle Asie-Pacifique de l’Institut vient d’être inauguré à la Faculté des Arts de l’Université Monash, à Melbourne. 

Le Constructive Institute mène ainsi différents projets, à échelle universitaire comme médiatique et publique. Il promeut auprès des jeunes générations, lycéenne et universitaire, des formations qui prennent la forme d’ateliers journalistiques visant à les sensibiliser aux dérives du journalisme ordinaire, tout en leur évoquant l’importance et l’estime des principes démocratiques de nos sociétés de l’information. Autrement, l’Institut intervient sous forme d’évènements ou de colloques dans les universités, les écoles mais également lors de conférences internationales qui portent sur les enjeux et défis du journalisme constructif, sur ses ressorts et ses bienfaits. L’initiative danoise a été saluée lors de la 1ère édition des Assises européennes du journalisme de Bruxelles, tenues du 23 au 25 novembre 2022. En effet, le concept a permis l’ouverture de débats, entre journalistes et responsables politiques, notamment sur la planification et la couverture médiatique, en particulier concernant les situations post-conflits. Ces réunions publiques visent à mettre en lumière et encourager le traitement journalistique sur les sociétés en rétablissement, les processus de paix, le renforcement de la sécurité ou encore l’amélioration des soins.

Rétablir le lien de confiance entre média et public

            La mission que s’est donnée le Constructive Instituteconcerne l’un des plus grands défis du journalisme moderne : la relation média-public. Aujourd’hui, il a été démontré que la majorité des populations se méfient des contenus publiés par les médias traditionnels : selon le Edelman Trust Barometer 2018, seules 43 % des personnes interrogées dans le monde leur font confiance. Encore plus alarmant, ce chiffre est d’autant plus bas dans les démocraties, où les médias sont censés être autonomes et fiables : 42 % aux États-Unis et en Allemagne, 33 % en France, 32 % au Royaume-Uni et au Japon, 31 % en Australie…  

Cette crainte médiatique installée durablement chez un bon nombre de particuliers a des effets secondaires tout à fait inquiétant : beaucoup choisissent aujourd’hui les réseaux sociaux pour s’informer. « Ils ont l’impression que le monde s’effondre, qu’ils devraient lire quelque chose de plus réconfortant sur les réseaux sociaux. Cette situation est une tragédie pour la démocratie », s’inquiète Haagerup. En effet, les réseaux sociaux sont bien plus susceptibles de véhiculer de fausses informations, notamment avec le développement de « médias alternatifs » qui peuvent être l’œuvre de chroniqueurs non professionnels. Il existe aussi le risque pour un utilisateur d’être enfermé dans des « bulles de filtrage », fruit d’un algorithme programmé pour faire du like et donc recommander à un utilisateur des publications susceptibles de l’intéresser. Cela a pour conséquence d’enfermer ce dernier dans des courants de pensées définis, l’empêchant de prendre de la distance sur des situations données et ainsi de développer un esprit critique.

Le journalisme constructif apparaît comme un remède, une voie du milieu entre journalisme classique et réseaux sociaux. Loin de chercher l’immédiat et le sensationnel, il façonne son mode de fonctionnement autour d’une analyse fondée et minutieuse. Cela nécessite inévitablement des recherches plus poussées, une multiplication et une vérification des sources et la mise en perspective de solutions réfléchies, mais cela en fait sa qualité d’expertise et offre ainsi un gain d’exactitude inégalé. En quelques mots, le journalisme constructif c’est : « développer des idées qui aident à améliorer le monde »  tout en utilisant « la clarté et l’imagination pour construire l’espoir », soutient Katharine Viner, rédactrice en chef de The Guardian.

Par VERDOT Antonin, MARCILLAUD Ulysse et GALES Nils


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré au concept de l’information positive, consultez les articles de nos rubriques culture et société sur notre blog.

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