Outil de prestige culturel et grand acteur du soft power d’un pays, le patrimoine façonne autant qu’il coûte.
D’abord encadrée et entretenue par l’État français, la gestion du patrimoine architectural a été de plus en plus décentralisée au niveau régional ou départemental. La raison ? Des coûts grandissants en vue de la multiplication du nombre de biens répertoriés comme étant « en péril ». D’abord au sein de la loi de décentralisation, ordonnée en 1988, les collectivités territoriales ont de plus en plus d'obligations au niveau de la restauration du patrimoine.
Cette loi a évolué dans le temps, et en 2004, l’État a transféré les crédits de restauration aux bâtiments non classés au département, ainsi que les bâtiments classés au niveau des régions, ces deux rénovations étant en coopération avec le ministère de la Culture. Cela allégeant les dépenses budgétaires de l’État, celles au niveau régional et départemental deviennent démentielles.
Une mise en place de promotion du patrimoine matériel est donc actée. Celle-ci se fait en deux étapes : tout d’abord, un système de promotion, avec les journées européennes du patrimoine du troisième week-end de septembre, se combinant ensuite avec le loto du patrimoine, créé en 2018 par la Française des Jeux afin de récolter des fonds pour la Mission du Patrimoine. Celle-ci assure l’entretien, ainsi que la restauration de monuments en péril choisis en amont.
Au niveau de la commune, il convient aussi de mentionner les plans locaux d’urbanisme qui visent notamment à sauvegarder et valoriser le patrimoine architectural. Par exemple, certaines zones du plan peuvent identifier des bâtiments interdits de démolir, mais aussi essayer de ne pas dénaturer l’espace. À Paris, l'enjeu est de « réinventer Paris », en ne dénaturant pas les lieux riches de milliers d’années de patrimoine, tout en ne s'empêchant pas de rajouter un témoin de la période contemporaine au paysage parisien. Ce débat a pu se réveiller au moment de la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris, obligeant à de nombreuses rénovations du site, les problèmes ayant toujours été repoussés.
D’un autre côté, les associations contribuent à leur échelle à la préservation du patrimoine. Elles prennent souvent le relai des politiques qui se concentrent sur le patrimoine architectural le plus visible et symbolique comme la tour Eiffel. Ce sont ces associations qui par le biais de chantiers de restauration ouverts à tous l’été contribuent à préserver ce patrimoine. Par ailleurs, elles animent souvent des actions de sensibilisation auprès du grand public pour faire connaître le patrimoine qu’elles restaurent. Néanmoins, elles ne peuvent qu’agir au niveau local et ont les mêmes contraintes budgétaires sinon plus que l’État.
Cela démontre un enjeu majeur pour les pays européens : préserver leur patrimoine et instruire leur population à cette cause, ainsi qu’aux dangers et aux problématiques pouvant découler de la menace d’extinction de monuments.
Venise, ville emblématique italienne, est l’un des sites les plus visités, et la richesse patrimoniale de cette ville l'entraîne à sa chute, ramenant toujours plus de touristes dans cette petite ville côtière ne rassemblant que 260 000 habitants. En effet, victime de surtourisme, cela entraîne de nombreuses problématiques, comme la gentrification et le manque de logement, mais aussi et surtout un problème écologique, menaçant de submersion la côte italienne. Pour lutter contre cela, la mairie emploie un système de valorisation de l’espace à grande échelle. Elle tente de prendre des mesures drastiques pour recevoir des aides pour la protection de leur patrimoine, ayant demandé à plusieurs reprises la liste des patrimoines mondiaux « en péril » sur le Patrimoine de l’Unesco. Le centre du Patrimoine mondial exprime en effet le manque de résolution de ces problématiques dû au manque d’« efficacité et [de] coordination » des autorités locales et nationales italiennes. Il insiste sur l’importance de l’inscription en tant que patrimoine « en péril », qui pourrait entraîner un « engagement et une plus grande mobilisation des acteurs locaux, nationaux et internationaux ».
Un autre acteur est donc nécessaire pour préserver le patrimoine architectural. C’est l’Union Européenne, son premier levier d’action étant le financement. Il existe de nombreux fonds différents : les fonds du nouveau Bahaus Européen adopté en 2021 par la Commission Européenne, le fonds Europe Créative, le fond Horizon Europe, etc. Cela passe aussi par le label du patrimoine européen, par le prix européen du patrimoine européen ainsi que les journées européennes évoquées précédemment créées en 1984 pour promouvoir le patrimoine européen. Ce sont des moyens plus conséquents que ceux des États et des associations. Par exemple, le fonds « Europe créative » géré par la Commission européenne a été doté de 2,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Ensuite, l’Union adresse des prix aux jeunes architectes prometteurs, soutient les réseaux européens d’architecte et favorise les échanges au sein de ses frontières. Enfin, la Commission impulse depuis 1990 un phénomène de coopération transfrontalière en matière d’aménagement du territoire et de culture. Un de ses moyens de leviers sont les appels à projets et le versement de fonds. Les programmes de préservation du patrimoine peuvent rentrer dans ces matières.
Néanmoins, ces efforts de la part de l’Union Européenne restent insuffisants. Le patrimoine architectural nécessite de grands efforts de restauration et d’aménagement au vu notamment du changement climatique. Au regard de la situation mondiale actuelle, il est à craindre que les budgets de l’Union en matière culturelle et sociale soient revus à la baisse pour se concentrer uniquement sur la défense. C’est maintenant à nous d’agir, en tentant de protéger un maximum et en influençant à notre manière pour pouvoir continuer à faire prospérer cette richesse culturel dont nous sommes si fiers.
Par Lucie Petit et Élisa Caba
Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré au patrimoine architectural, consultez les articles de nos rubriques Relations internationales et Société sur notre blog.
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