« La misandrie est une réponse du groupe dominé, elle est réactionnelle, pensée et vécue comme une autodéfense légitime par celles qui revendiquent le terme » (1) selon l’historienne Christine Bard.
Étymologiquement, le terme vient du grec « mîsos » (haine) et « anêr » (homme), et le « Robert » définit une personne misandre comme quelqu’un « qui éprouve, manifeste de l'aversion pour les personnes de sexe masculin (opposé à misogyne) ».
La misandrie est souvent perçue par les antiféministes comme un mouvement virulent à l’égard des hommes qu’ils s’emploient à discréditer. La notion apparaît dès le début du XXe siècle, et c’est surtout dans les années 1970 qu’elle s’impose dans le débat public et dans les écrits féministes, avec une dimension plus revendiquée.
Il est donc courant de l’opposer à la misogynie, entendue comme la haine des femmes. Notamment depuis 2020, suite à la sortie de l’essai de l’écrivaine féministe Pauline Harmange Moi les hommes, je les déteste (Seuil, 2020). Or, la misandrie ne peut être mise en miroir à la misogynie, puisqu’elle ne produit pas d’oppression systémique contre les hommes et ne cherche pas à instaurer une domination comparable au patriarcat. Pour l’autrice Pauline Harmange, elle s’inscrit avant tout comme une réaction à « l’omniprésence toujours actuelle d’un climat qui favorise les violences sexistes ».
Ainsi, la misandrie est une réaction individuelle, une réponse symbolique et libératrice au sexisme structurel. Elle permet de comprendre selon la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie que « le système patriarcal ne se reproduit pas tout seul, qu’il est défendu par des hommes qui ont intérêt à maintenir la logique de domination qui fonde leurs privilèges ». Parmi ces privilèges de genre se trouvent les inégalités salariales : selon la Fondation des femmes, le sexisme et l’âgisme - discrimination liée à l’âge, ici avancé - font perdre en moyenne 157 000€ sur vingt ans à une salariée entre 40 et 60 ans. L’Insee montre qu’une quinquagénaire gagne près de 8 000€ de moins par an qu’un quinquagénaire. Ces inégalités se traduisent par un constat frappant : 75 % des retraités vivant avec moins de 1 000€ par mois sont des femmes. Les inégalités salariales sont d’autant plus importantes dans les autres pays d’Europe : l’Estonie détient l’écart de rémunération entre femmes et hommes le plus haut du continent en 2022, soit de 21,3%.
Outre cela, il y a la violence qui différencie la misogynie de la misandrie comme le souligne la journaliste et autrice Benoîte Groult : « Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours ». En effet, en 2023, 749 femmes ont été tuées par un homme de leur entourage selon un rapport du Parlement européen.
Ajoutons que la misogynie, lorsqu’elle ne tue pas, vise à dégrader les femmes, les exploite et les violente moralement et physiquement. En Italie, le 2 septembre 2025, un vaste scandale éclate autour de sites misogynes où des milliers de photos à caractère sexuel de femmes, anonymes ou célèbres, ont été publiées sans leur consentement. Les millions de commentaires humiliants et haineux exposent des fantasmes et des projets d’agression.
Ainsi, la lutte féministe et misandre ont pour objectif de dénoncer les effets du patriarcat et ceux qui le perpétuent comme l’explique l’écrivaine Chloé Delaume, la réponse misandre « n’est pas la haine des hommes au sens biologique ou essentialiste, mais le rejet du comportement patriarcal ».
Par Farah El Bahoua
Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la rentrée, consultez les articles de nos rubriques Relations internationales et Culture sur notre blog.
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