L’ART FACE AUX CATASTROPHES ENTRE LIBERTÉ D’EXPRESSION ET CENSURE

Lorsque l’art dénonce les conflits, il bouscule le pouvoir, dérange les institutions et rappelle ce que d’autres préfèrent oublier.

MINERVIEWS
3 min ⋅ 01/11/2025

L’art est une forme de dénonciation de la société, mais aussi une mémoire et une façon de se rappeler des conflits.

La relation entre art et conflit existe depuis aussi longtemps que l’histoire des conflits elle-même. Les arts servent à documenter les événements, glorifier les succès ou dénoncer les atrocités. Les peintres, photographes, ou tout autre artiste, usent donc d’une approche critique sur les évènements auxquels ils font face, permettant d'avoir un prisme différent sur les récit contés par des gouvernements par exemple.

Otto Dix est notamment  un peintre célèbre pour avoir dénoncer l’horreur et l’absurdité de la Première Guerre mondiale, notamment dans son œuvre la plus connue, Les joueurs de skat. Au sein de son art, il dépeint des anciens soldats mutilés jouant aux cartes. Leurs corps déformés, reconstruits par des prothèses mécaniques, illustrent la violence et la déshumanisation causées par la guerre. L’artiste, par cette image choquante, dénonce non seulement la guerre elle-même, mais aussi la société qui préfère fermer les yeux sur la souffrance des anciens combattants.

La censure de l’Etat chinois

Malheureusement, ces œuvres parfois jugées provocatrices, ne sont pas toujours appréciées par certaines instances, et peuvent être a posteriori censurées, pour que le public ne reçoive plus le message. L’artiste et activiste chinois Ai Weiwei en a fait les frais en dénonçant la corruption du gouvernement et notamment de son manque de transparence suite au tremblement de terre du Sichuan en 2008. 

Ce tremblement de terre, survenu le 12 mai 2008, a fait plus de 87 000 morts et 374 643 blessés, en majorité des enfants.  D’abord salué par sa réaction après la catastrophe, l’Etat chinois a perdu la confiance de son peuple après le scandale de la construction des écoles. Mal bâties, elles ont été surnommées les « écoles en tofu ». À l’époque, le gouvernement a vite cherché à étouffer l'affaire en achetant le silence des parents, et en empêchant les manifestations.

Ai Weiwei a donc créé de nombreuses œuvres, comme Remembering en 2009. Sur la façade du musée Haus der Kunst à Munich, il a disposé 9 000 sacs à dos colorés formant la phrase d’une mère endeuillée : « Elle a vécu heureuse pendant sept ans dans ce monde »,  en mémoire aux enfants morts dans l’effondrement des écoles. L'ensemble de ses œuvres sur cette période l’a conduit à être arrêté en 2011 et détenu pendant 81 jours sans qu’une inculpation ne tombe.

Le soutien, ou le blocage, peut aussi venir des institutions artistiques elles-mêmes, comme les musées ou les galeries. La National Coalition Against Censorship, aux Etats-Unis, s'est emparée de la question en imaginant l’Art Censorship Index, un instrument qui s’inquiète de l’état de la liberté d’expression dans le pays. Cet outil définit la censure comme étant « des incidents au cours desquels des institutions ont explicitement annulé, retiré ou abandonné un programme ou une œuvre après que les plans de présentation aient été communiqués, et dans lesquels la raison du retrait était liée au contenu politique et personnel perçu de l’œuvre.». Toute censure se rapporte donc à une volonté purement subjective.

L’artiste et militant Nan Goldin, connue pour son activisme sur la question du génocide commis par l’Etat hébreu sur la population palestinienne, a affirmé que la Neue National Galerie de Berlin avait refusé d’inclure au sein de son musée une déclaration sur les personnes tuées par Israël à Gaza. Le musée a d’abord rétorqué en avançant que la déclaration ne mentionne pas non plus les victimes israéliennes. Après une correction sur le document, il a pu être finalement inclus.

Plus récemment, en mai 2025, 118 artistes unis autour du nom Art4Gaza ont choisi de vendre leurs œuvres au profit d'Éducation 4 Gaza, soutenant l’éducation et la résilience des enfants de Gaza, prouvant que l’art peut à bon escient être une forme de résistance sociale.

Par Elisa Caba


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré au marché de l’art, consultez les articles de nos rubriques Relations internationales et Société sur notre blog.

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