QUAND LA DETTE S'ACCUMULE ET QUE LA COMMISSION EUROPÉENNE RÉCLAME DES COMPTES : DES SANCTIONS VRAIMENT EFFICACES ?

En juillet dernier, la Commission européenne déclenchait la procédure de déficit excessif à l’encontre de sept pays européens, dont la France. Quatre mois plus tard, ceux-ci espèrent être à l’ordre du jour en présentant à temps leur « rapport annuel d’avancement » au printemps 2025. Mais que risquent ils à ne pas respecter cette mise en garde ?

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3 min ⋅ 01/12/2024

La Commission européenne, comme établi dans le pacte de stabilité et de croissance de l’UE (PSC) ratifié en 1997, dispose dans son large panel de compétences de la responsabilité en dernier ressort du budget européen global. Or, près de 80% des dépenses européennes sont réalisées au niveau national dans le cadre d’une gestion partagée, c’est-à-dire dans le cadre de l’économie intérieure des pays membres. La Commission assure un rôle de vigilance sur le bien-fondé des budgets nationaux.

Des sanctions financières, un remède ou une entrave ?

Pour cela, la Commission européenne peut sanctionner financièrement, au travers de mécanismes de contrôle dissuasifs, les pays qui ne respecteraient pas le plafond de déficit fixé à 3% du produit intérieur brut (PIB) et une dette limitée à 60% du PIB. Ce fut le cas en juillet dernier pour sept pays européens ayant dépassé les limites prévues en 2023 : la Slovaquie, l’Italie, la Belgique, la France, la Hongrie, Malte et la Pologne, à l’encontre de qui une procédure de déficit excessif a été engagée. Ces pays rejoignent alors la Roumanie, sous le joug de cette mise à l’épreuve depuis 2020, mais qui, ne parvenant pas à redresser ses finances, continue de subir le poids de la Commission. 

La France, en plein débat parlementaire pour l’adoption du projet de loi de finances 2025, envisage un redressement de sa dette afin d’atteindre un déficit de 5% du PIB, pour revenir au seuil de 3% en 2029. Or, une majeure partie de l’effort général est demandé aux collectivités territoriales, déjà confrontées à des difficultés financières et des inégalités en comparaison d’un budget national centralisé. Pour les gouvernements sous pression, respecter les exigences européennes tout en assurant la croissance et le financement des politiques publiques représente un véritable défi budgétaire. La rigidité du PSC pourrait ainsi étouffer de futurs investissements pourtant nécessaires pour affronter les défis économiques actuels.

Le PSC prévoit également que les États ne respectant pas les critères de déficit et de dette se voient infliger des sanctions financières pouvant atteindre 0,1 % de leur PIB chaque année. Si un pays ne corrige pas son déficit excessif dans les délais impartis, le Conseil pour les affaires économiques et financières (ECOFIN), émanant du Conseil de l’UE, peut également ordonner un dépôt auprès de la Banque centrale européenne, voire une amende de 0,2 à 0,5 % du PIB en cas de persistance. Une application uniforme des critères budgétaires à l’échelle de l’Union pose maintenant la question de leur efficacité, la sanction financière n’apparaissant plus comme une option dissuasive mais comme un risque d’enfoncer des pays déjà fragiles.  

Un pouvoir réellement coercitif ?

Mais qu’adviendrait il des pays surendettés qui n’arriveraient pas à se relever ? En théorie, imposer des sanctions aux économies en difficulté pourrait aggraver leur situation, en ralentissant leur relance économique. Mais en pratique, alors que l’intégralité des 27 pays membres européens ont été menacé par cette procédure au cours de ces vingt dernières années, aucune sanction n’a jamais été appliquée. Avec une remise à l’ordre record, 17 fois depuis 1998, la Hongrie a elle aussi été appelée à comparaître devant la Commission. 

Le modèle actuel, alors réformé en avril 2024, cherche à favoriser le dialogue et garantir une politique plus laxiste notamment en concédant trois années supplémentaires à l’exécution du plan de redressement économique. Il doit maintenant faire ses preuves afin d’espérer gagner en crédibilité.

Par Méline Vert


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la justice européenne, consultez les articles de nos rubriques Culture et Société sur notre blog.

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