Le 14 novembre seront célébrés les 55 ans de la Convention de lutte contre le trafic illicite des biens culturels, phénomène illustré notamment par l’archéomafia. Cette situation illustre un marché de l’art illicite qui mérite une analyse approfondie.
Qu’est-ce que l’archéomafia ? Né et popularisé à la fin du vingtième siècle dans le jargon journalistique, ce terme désigne les activités de la criminalité organisée concernant les œuvres d’art et le patrimoine, l’une des principales sources de revenu de certaines mafias.Crimes et profits : les stratégies de l’archéomafia
La raison la plus évidente pour laquelle la mafia s’introduit sur le marché de l’art est l’opportunité de blanchiment d’argent qu’elle permet. En effet, comme le souligne le politiste Fabrice Rizzoli, puisque la valeur de l’objet artistique n’est pas toujours déterminée précisément, la mafia rachète des œuvres à des prix abaissés de façon artificielle, pour les revendre à des prix plus élevés. Ce revenu, qui est donc considéré comme légal, permet de blanchir les gains d’activités illicites, comme le trafic de drogue.
Néanmoins, si l’art permet de blanchir certains échanges, il peut lui-même en être l’objet.
Chaque année, le trafic illicite de biens culturels est estimé à plusieurs milliards d’euros. Les œuvres et les objets patrimoniaux concernés sont souvent pillés lors de conflits ou sur des fouilles archéologiques. En effet, la notion du contrôle du territoire est essentielle pour la mafia. Elle est bien souvent parmi l’une des premières à être prévenue lors de la découverte d’objets de valeur. Ainsi, en 1990, lors de la découverte du plus grand site romain sicilien, la Villa Romana, la mafia fut prévenue en premier et pilla le lieu.
Ce trafic illicite peut également concerner de fausses œuvres, des copies. Par exemple, le 1er octobre, dans une exposition au Palazzo Tarasconi de Parme, la police italienne a saisi vingt et une œuvres de Dalì, soupçonnées d’être des faux.
Hormis les enjeux financiers colossaux, la lutte contre cette criminalité semble se former aussi autour d’un enjeu de sauvegarde du patrimoine. Car, si la mafia perçoit ce trafic comme un moyen de contrôler le territoire, c’est aussi par le contrôle de la mémoire collective en pillant les objets qui permettaient de la matérialiser.
L’un des principaux enjeux semblerait alors résider dans la construction d’une législation permettant de lutter contre ces échanges interétatiques. L’UNESCO a donc adopté en 1970 une Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. Elle repose essentiellement sur un contrôle plus normé, à travers des inventaires ou des certificats d’exportations, mais aussi sur l’organisation de campagnes d’information et d’éducation. Cette convention a été ratifiée par 149 pays.
Enfin, si la mafia s’empare de l’art, il peut être intéressant d’évoquer des trajectoires individuelles dans lesquelles l’art devient un moyen de repentance. Ainsi, quelques anciens mafieux ont pu sortir de la criminalité, en décidant d’embrasser une carrière d’artiste. Par exemple, Gaspare Mutolo, ancien membre de la Cosa Nostra, devenu collaborateur de justice dans les années 1990. Ceci grâce à la découverte de la peinture lors d’un séjour en prison, qui lui a permis d’entamer une forme de trajectoire introspective, le menant à quitter la criminalité organisée.
De façon plus ironique et symbolique, plusieurs œuvres récupérées à la mafia par la justice ont été exposées en collaboration avec les organismes de lutte contre ce trafic. L’exposition « SalvArti, des confiscations aux collections publiques » au Palazzo Reale de Milan en décembre 2024, construite avec l’Agence nationale pour l’administration des biens saisis au crime organisé, a mis en lumière quatre-vingts œuvres récupérées à la mafia par la justice.
Par Lou Labat-Plazy
Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré au marché de l’art, consultez les articles de nos rubriques culture et relations internationales sur notre blog.
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