Ce véritable dossier sensible est de retour sur le devant de la scène, les tensions qui lui sont associées réapparaissent. La France qui a joué un rôle majeur d’opposant à cet accord se retrouve aujourd’hui dans l’œil du cyclone, tiraillée entre les intérêts nationaux de ses agriculteurs et les pressions européennes.
Les dispositions prévues par le texte permettraient, selon Bruxelles, aux exportateurs européens de réaliser plus de 4 milliards d’euros d’économies par an sur les taxes douanières en Amérique latine. Ces dernières faciliteraient l’exportation de marchandises clés du commerce UE-Mercosur, en ciblant les secteurs de l’automobile, des machines, du vin et des spiritueux. En contrepartie, l’accord favoriserait l’entrée de produits comme la viande, le sucre, le riz, le miel et le soja sud-américains dans l’Union européenne.
Ce projet s’inscrit dans une dynamique de renforcement de la compétitivité européenne : « Nous continuons à diversifier nos échanges, à renforcer de nouveaux partenariats et à créer de nouvelles opportunités commerciales », s’est félicitée la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. En effet, l’Europe cherche activement à « ouvrir [ses] marchés à de nouveaux produits et services », explique le président du Conseil européen, Antonio Costa. Une initiative d’autant plus mise en avant suite au revirement protectionniste des États-Unis sous la présidence Trump et aux tensions commerciales entretenues avec la Chine.
La Commission est parvenue à trouver un consensus autour du texte, et c’est maintenant au tour des 27 membres du Conseil de l’UE, de l’approuver ou non, avant de le soumettre au Parlement européen. Certains pays, à l’instar de l’Allemagne et de l’Espagne, approuvent cet accord et l’encouragent, y voyant une opportunité importante d’offrir de nouveaux débouchés aux entreprises industrielles nationales. D’autres y sont plus réticents, tels que la Pologne et l’Autriche. Les raisons de leurs réserves sont multiples : la défense des producteurs locaux, les enjeux environnementaux ou bien les menaces liées aux normes de sécurité alimentaire et sanitaire européennes. Pour autant, Bruxelles a su monter un dossier en béton afin de convaincre les derniers opposants en garantissant une protection sur les “produits européens sensibles”. De plus, les pays du Mercosur en font aussi la publicité, notamment le président brésilien qui encourage les chefs d’Etats européens à se ranger en faveur de l’accord.
La ratification du texte nécessite une majorité qualifiée du Conseil de l’UE[1]. Pour l’empêcher, il faut réunir une « minorité de blocage », soit au moins quatre Etats représentant ainsi plus de 35 % de la population de l’Union européenne. Dans cette optique, la position de la France est très attendue, notamment celle d’Emmanuel Macron qui porte sur ses épaules les voix d’un peuple presque unanimement défavorable à l’accord.
En effet, l’accord est critiqué aussi bien par les forces politiques d’opposition, que par les divers syndicats agricoles et l’opinion publique. La dénonciation d’un texte « toxique, incompréhensible et dangereux » par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, est partagée par les sénateurs républicains qui évoquent « un coup de force de la Commission européenne contre nos agriculteurs ».
Ces contestations et réserves françaises ont été entendues par l'UE et ont donné lieu à la formulation de “clauses de sauvegarde” soumises à Paris. Sophie Primas, Porte-parole du Gouvernement français souhaite notamment qu’un contrôle puisse être actionné « par un seul pays », permettant de suspendre momentanément les importations dans la filière concernée, d'enquêter sur d'éventuelles distorsions de concurrence et de rééquilibrer. Cependant cet acte juridique unilatéral et contraignant doit également être entendu, voté et accepté par les pays du Mercosur.
[1] La majorité qualifiée est acquise quand 55 % des États-membres représentant eux-mêmes 65 % de la population totale de l’Union sont en faveur de l’accord en question.
Par Ulysse Marcillaud et Nils Gales
Pour aller plus loin sur notre dossier consacré à la rentrée, consultez les articles de nos rubriques société et culture sur notre blog.
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