Dès l’antiquité grecque et romaine, on perçoit le caractère important mais ambivalent de l’eau : l’un des critères majeurs d’une fondation d’une cité grecque est la présence d’eau suffisamment proche de son emplacement futur. Néanmoins, de nombreux auteurs romains ou grecs mettent en garde contre l’eau qui peut ôter la vie : les naufrages, l’eau impure, etc. Elle est tout aussi importante pour les sociétés gallo-romaines du point de vue de leurs religions et croyances. Il existe une multitude de divinités, mais aussi de sanctuaires consacrés aux eaux ou liés à une source sacrée. Un d’entre eux a été découvert à Clermont-Ferrand en 2009. Ainsi, malgré cette différence culturelle présente dans tout l’empire romain à l’égard de l’eau, on constate des aménagements hydrauliques de plus en plus importants depuis l’époque hellénistique. Deux exemples, particulièrement frappants, sont l'Aqueduc du Giers près de Lyon et celui de Ségovie en Espagne. Ces aménagements passent d’une logique fonctionnelle à une logique plus oisive. Malgré la fin des religions dites païenne, les sociétés ont besoin de figures mythologiques ou populaires pour illustrer et conjurer la peur de l’eau indomptable même au Moyen-Âge. Une de ses figures est le  Mâchecroute. Cette figure lyonnaise illustre la peur de l’eau, ici du Rhône, indomptable et meurtrière.

Cependant, ce mode de pensée va évoluer au moment de la Révolution industrielle. Là où autrefois, l’eau était vue comme une figure donneuse de vie ou de mort, la Révolution industrielle va menacer l’eau, devenu un sujet passif par la surconsommation et la pollution.

C’est ce mode de pensée qui reste prédominant aujourd’hui. En effet, devenant un produit à marchander, l’eau est tout aussi surexploitée que les hydrocarbures alors que le réchauffement climatique menace aussi ce dernier. Cette raréfaction est une source de conflit, certains auteurs parlant même de guerre de l’eau.

La vague écologique depuis les années 2000 dans l'Union européenne contribue à fissurer la conception consumériste de l’eau et cherche à la protéger pour éviter les guerres de l’eau. La justice ainsi que la société civile se soucient de plus en plus de la protection de l’eau. En effet, depuis 2015, la Commission a obtenu la condamnation de différents Etats-membres pour insuffisances dans la mise en œuvre de directives sur l’eau. Au niveau des juridictions nationales, on constate la même évolution. Au niveau français, c’est l’affaire “Justice pour le vivant” toujours en cours devant la Cour Administrative d’Appel de Paris qui est représentatif de ce mouvement. Dans cette affaire, différentes associations ont collectivement intenté une action en justice contre l'État pour son inaction face à l’effondrement de la biodiversité. C’est la première fois que des associations mènent ce genre d’action en France. La mobilisation citoyenne est aussi très forte dans le reste des pays de l’UE. En Espagne, c’est même l’un des principaux moteurs à l’adoption de législation protectrice de l’environnement. Par exemple, une loi issue d’une initiative législative populaire reconnaissant les droits de la lagune Mar Menor a même été consacrée par le Tribunal Constitutionnel Espagnol.

Néanmoins, le constat reste décevant au regard de l’actualité. Les sujets liés au réchauffement climatique, à la protection de l’environnement et par extension de l’eau sont relégués à l’arrière-plan dans le débat public. À l’aube de canicules, il apparaît nécessaire de protéger l’eau à tout prix pour que tout le monde y ait accès. Cela passe par le partage de connaissances sur le sujet pour faire évoluer les mentalités : les ressources en eau sont menacées et non éternelles.

Par Lucie Petit

Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à l’eau, consultez les articles de notre rubrique Relations internationales sur notre blog.

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