Selon le rapport annuel de l’ONG Transparency International sur le classement de la corruption dans le monde, les puissances européennes suivent la tendance internationale caractérisée par une stabilité de la menace. La France n’y échappe pas et se place d’ailleurs en 25eme position mondiale. L’idée d’une France corrompue semble faire consensus chez les français : 74 % des interrogés estiment que le personnel politique est corrompu et/ou indiquent ne pas avoir confiance dans la politique, d’après l’étude menée en février 2025 par l’institut OpinionWay.

Ainsi, le procès de Sarkozy vient raviver ces perceptions, mettant sur le devant de la scène des pots-de-vin d’une hauteur de 50 millions d’euros provenant directement du dictateur libyen Kadhafi, dans le but de financer sa campagne présidentielle de 2007. En France le montant officiel de financement d’une campagne présidentielle s’élève à 20 millions d’euros, soit moins de la moitié de la somme.  Plusieurs noms circulent et reviennent au cours de l’affaire : Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libyen et intermédiaire en armement ; Claude Guéant, directeur campagne de Sarkozy devenu son ministre de l’Intérieur ou encore Brice Hortefeux.

Le 1er octobre 2005 marque un tournant discret mais déterminant dans les relations franco-libyennes. Claude Guéant, alors directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, se rend à Tripoli. Ce déplacement, passé sous les radars de la diplomatie officielle, débouche sur une rencontre troublante : autour d’une table de restaurant, en présence de Ziad Takieddine, Guéant échange avec Abdallah Senoussi, chef des services de renseignement libyens et beau-frère du colonel Kadhafi. Senoussi est pourtant un personnage sulfureux, recherché par Interpol pour son implication présumée dans l’attentat du vol DC-10 d’UTA en 1989, qui coûta la vie à 170 personnes. 

Cet épisode, qui aurait dû éveiller la vigilance des autorités françaises, illustre au contraire la mise en place d’un dialogue informel et opaque entre Paris et Tripoli. En toile de fond : des intérêts stratégiques, économiques et politiques mêlés à des ambitions personnelles. Loin d’être un simple épisode diplomatique, ce rapprochement annonce une dérive aux contours bien plus sombres, où la frontière entre politique et compromission semble s’estomper dangereusement. Ce premier contact jette les bases d’une relation ambiguë entre les deux pays, dans laquelle l’aide financière libyenne, officiellement inavouable, aurait servi à soutenir une ambition présidentielle française. Dès lors, la diplomatie d’État se confond avec les intérêts de clans, au détriment de la transparence démocratique.

Brice Hortefeux, l'ami de toujours de l'ancien président de la République, se rend en Libye le 21 décembre 2005 et rencontre lui aussi Senoussi en présence de Takieddine. Lors de cette visite, celui qui était à l'époque ministre délégué aux collectivités territoriales va remettre au terroriste international le RIB d'un compte Rossfield, dont le titulaire n'est autre que l'intermédiaire franco-libanais. En contrepartie de ce financement supposé, il y aurait notamment eu « un soutien diplomatique » pour « consolider le retour de la Libye sur la scène internationale », en particulier après la levée des sanctions onusiennes à l’égard de la Libye en 2003.

Nicolas Sarkozy conteste les faits dans leur intégralité et ne semble pas reconnaître la gravité des atteintes à la probité nationale qui lui sont reprochées, malgré une condamnation désormais définitive.

Par Ulysse Marcillaud & Nils Gales

Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la Corruption, consultez les articles de nos rubriques Culture et Société sur notre blog.

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