image_author__MINERVIEWS
Par MINERVIEWS
67 articles
Partager cet article :

LE SUICIDE ASSISTÉ : UN TABOU EUROPÉEN ?

Le suicide assisté, l’euthanasie active ou passive ou encore l’assistance au suicide sont autant de notions floues que de réalités taboues et grandement incomprises. Leur point commun ? Elles évoquent la mort et en Europe, la mort, ça fait peur.

Le terme d’aide active à mourir regroupe différentes notions ayant une même finalité : aider médicalement une personne à mourir. Cela renvoie à deux concepts : l’euthanasie et l’assistance au suicide, communément appelée suicide assisté. Si la première requiert l’intervention d’un tiers, la seconde, elle, consiste à « donner les moyens à une personne de se suicider elle-même », selon le Comité National d’Ethique français. 

Une divergence sur le continent

La légalisation de l’assistance au suicide fait débat en Europe. Le développement de l’aide à mourir dans une poignée de pays européens se confronte à la réticence de nombreux autres.

En Suisse, par exemple, l’assistance au suicide est légale depuis 1937 selon l’article 115 du Code Pénal Suisse. Cette pratique est bien évidemment encadrée et n’est autorisée que sous certaines conditions : « il faut être doué de discernement, s’administrer soi-même la dose létale et l’aidant ne doit pas avoir de mobile égoïste ». Cette aide est encadrée par des organisations telle que Exit qui se présente comme une « association pour le droit de mourir dans la dignité ». Le suicide assisté est présenté comme une possibilité de choix et d’accompagnement vers une fin de vie voulue et demandée. Céline, 28 ans, est atteinte de la maladie de Charcot et témoigne de sa volonté d’avoir recours à cette pratique : « Pour moi c’est juste mettre un stop là où physiquement et émotionnellement je ne peux pas aller plus loin ». 

Le continent européen est également témoin de politiques bien moins ouvertes quant à l’aide à mourir. Ainsi, neuf pays européens condamnent cette pratique. C’est le cas notamment du Royaume Uni où l’assistance au suicide est illégale et passible d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 14 ans selon le Suicide Act de 1961, encore en vigueur aujourd’hui. 

L’Union Européenne, elle, ne se prononce pas, préférant laisser chaque pays libre de son choix en la matière.

De son côté, la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, organisation internationale distinctede l’UE), a acté en 2022 que l’euthanasie ne violait pas le droit à la vie garanti par l’article 2 de cette même convention

Un rapport complexe à la mort

Culturellement, en Europe, la mort a toujours été présentée sous une forme particulière : la peur. Selon l’historien français Michel Vovelle, la fin du XVIe et le début du XVIIe siècles marquent le début du rejet des conceptions médiévales. Par ailleurs, actuellement, l’acceptation de la mort via la religion - principalement le christianisme en Europe - semble s’estomper à mesure que les croyances diminuent. De plus, l’omniprésence de la mort autrefois due aux multiples maladies n’est plus. Au contraire, l’augmentation de l’espérance de vienous en éloigne. Phillipe Ariès, lui, insiste sur l’idée de « déni de la mort » observée depuis la seconde moitié du XXe siècle. Cette idée est clairement visible dans la société européenne : augmentation du nombre de crémations, deuil devenu non-ostentatoire et présentation de la mort comme un fait divers dans les médias et fictions.

Le tabou autour de l’aide à la fin de vie est intrinsèquement lié à la relation qu’entretiennent les européen.ne.s avec la mort. Le contexte culturel du déni et de la peur de la mort semble empêcher une approche objective quant à des pratiques telles que l’assistance au suicide.

Toutefois, si les langues se déliaient, peut-être que la peur s’estomperait pour laisser place à une meilleure compréhension de ces aides et des personnes y ayant recours. Comme le dit Céline : « Je pense vraiment qu’il faut pouvoir parler librement de la mort ; finalement si on a le choix de pouvoir arrêter de souffrir pourquoi on ne prendrait pas ce choix-là ? J’ai le choix. ».

Par Justine Eyraud


Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la mort, consultez les articles de nos rubriques Relations Internationales et Culture sur notre blog.

Suivez MINERVIEWS :