À l’heure où les conflits et bouleversements se multiplient au Moyen-Orient, la voix de l’Europe ne porte pas dans la région. Guerre à Gaza, nouveau régime en Syrie, poids de l’Iran. Entre division et pusillanimité (1), la diplomatie européenne, faute d’objectifs clairs et intransigeants, ne peut qu’échouer.
27 juin 2024. Kaja Kallas vient d’être nommée nouvelle haute-représentante de l’UE pour les Affaires étrangères. Ancienne Première ministre estonienne, elle incarne la crainte des pays de l’Est, sous le giron de la puissance russe jusqu’en 1991, face au risque d’invasion militaire de la Russie, sinon de déstabilisation politique. Sa nomination comme cheffe de la diplomatie européenne dit beaucoup des priorités de la politique que souhaite mener l’Union européenne (UE) en la matière : se concentrer sur la menace russe à tout prix, mais au risque de négliger d’autres enjeux internationaux, à commencer au Moyen-Orient.
Si dans leur grande majorité, les États-membres et les institutions de l’UE s’accordent pour condamner l’agression russe en Ukraine et apporter un soutien militaire à ce dernier, un tel consensus n’est pas établi concernant la politique extérieure de l’UE au Moyen-Orient.
Loin d’être un enjeu phare pour une UE intéressée à préserver ses propres intérêts, la guerre menée par Israël à Gaza n’entraîne pas la même réaction européenne d’un seul homme. Les réussites que l’on peut attribuer à l’UE sont rares. La dernière en date : l’engagement pris par Israël le 10 juillet d’accepter la reprise des livraisons d’aides humanitaires à la population gazaouie, arrêtées régulièrement aux portes de l’enclave palestinienne durant plusieurs mois depuis le début du conflit. Négociée et obtenue grâce à l’UE, cet engagement résulte d’un accord minimal entre européens : pas de remise en cause de l’accord d’association entre l’UE et Israël, et encore moins de sanctions prises à l’égard de l’État hébreu, faute de consensus entre les pays européens.
Les visions divergents entre nations européennes, certaines reconnaissent l’État de Palestine comme l’Espagne ou l’Irlande dès la fin du mois de mai 2024. Quelques-unes, la France ou le Portugal, promettent la reconnaissance le 22 septembre, dans le cadre de l’assemblée générale de l’ONU. D’autres, à l’instar du chancelier allemand Friedrich Merz, réaffirme leur soutien à Israël, notamment dans ses bombardements sur l’Iran mi-juin. Des voix dissonantes qui nuisent à la capacité d’influence de la diplomatie européenne.
La recherche d’un compromis en matière de politique internationale affaiblit l’UE qui donne à voir au monde entier les tiraillements entre États européens. Souvent cantonnées au rôle de « Ministère de la Parole », les institutions ne peuvent que produire des commentaires au sujet de situations dramatiques, les condamner tout au mieux. L’UE s’est contenté d’un communiqué pour se déclarer « alarmée » des affrontements communautaires soutenus par les autorités en Syrie, à Souweïda en juillet dernier. Quelques semaines plus tôt, l’UE répondit à la guerre entre Israël et Iran par un coup d’épée dans l’eau, implorant une issue diplomatique et la tenue de négociations.
Face à ce manque de poigne d’une UE gangrénée par ses divisons et son obsession de ne froisser aucun de ces interlocuteurs au Moyen-Orient, les États reprennent la main sur la politique extérieure au détriment d’une diplomatie commune, enfant déjà mort-né de la construction européenne. C’est le cas le 3 janvier 2025, quand les ministres allemands et français des Affaires étrangères, Annalena Baerbock et Jean-Noël Barrot, ont rencontré le fraîchement autoproclamé chef d’État d’une Syrie post-Assad Ahmed Al-Charaa. Symbole de l’effacement de la diplomatie européenne au profil d’une diplomatie des « Grands États ».
(1) Définition pusillanimité : timidité excessive
Par Antonin Verdot
Pour aller plus loin sur notre dossier consacré à la rentrée, consultez les articles de nos rubriques société et culture sur notre blog.
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