Les dispositifs mis en place pour protéger les femmes
Certains pays ont mis en place dès les années 1990 des lois pour protéger les femmes comme l’Allemagne en 1997 qui criminalise le viol conjugal. En 2011, la ratification de la convention d’Istanbul adoptée depuis par la majorité des pays européens est un tournant majeur en Europe pour la protection des femmes. Cette convention est un instrument juridique clé pour lutter contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques. Elle impose aux États signataires d’adopter des lois pour prévenir les violences, protéger les victimes, poursuivre les auteurs et fournir des services de soutien adaptés.
Des directives sur la protection des droits des victimes ou sur l’égalité homme-femme sont aussi adoptées par l’Union européenne. Des structures se développent pour protéger ou soigner les femmes, pour lutter contre le harcèlement sexuel. Par exemple, le Lobby européen des femmes et le Women Against Violence Europe promeuvent une bonne éducation et le respect des droits des femmes.
Violences faites aux femmes : quand les législations européennes peinent à répondre aux attentes
À l’échelle internationale, l’ONU Femmes est chargée de veiller au respect de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes, grâce à l’adoption et à l’application de lois nationales dans chaque pays.
En Europe, les pays nordiques enregistrent de nombreuses violences faites à l’égard des femmes, comme le Danemark ou la Suède. Pourtant ces pays ont mis en place très tôt des législations tendant à protéger les femmes. Yves Raibaud relève ce « paradoxe nordique ». Selon le spécialiste dans la géographie de genre, ce n’est pas parce que la politique publique est orientée vers la diminution des violences conjugales que cela a des conséquences sur l’égalité professionnelle.
A contrario, l’Espagne a été considérée comme pionnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes. La loi organique du 28 décembre 2004 a fait du combat contre les « violences machistes » une grande cause nationale. L’Espagne se dote alors d'un système judiciaire pour les victimes inédit en Europe avec notamment une justice spécialisée. Néanmoins, une partie de la population et des médias protestent face à des juristes perçus comme incompétents pour punir ces crimes.
Pourtant, les mouvements féministes remontent de plusieurs années avec en 1791, Olympe de Gouges et sa « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » ou le mouvement « #MeToo » plus récemment.
Avortement et féminicides en Europe : des législations inégales et des progrès trop lents
Certaines législations ou carences dans des législations interpellent encore. L’Islande est le premier pays à légaliser l’avortement en 1935. Quelques années plus tard, en France, la « loi Veil » sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est adoptée. Certains pays ont restreint les conditions pour l’avortement comme la Pologne où son accès est quasiment interdit en 2021 avec une restriction des possibilités de recours. Malte légalise seulement l’avortement en juin 2023 sous des conditions très strictes. Ainsi, les pays européens sont inégaux face au droit à l’avortement.
L’avortement peut parfois être intimement lié à des viols mais d’autres violences conjugales existent. Ce n’est qu’en avril 2024 que l’Union européenne a légiféré sur les violences faites aux femmes. Les eurodéputés ont adopté la première directive européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes. L’objectif étant d’interdire les mariages forcés, les mutilations génitales féminines ou encore le cyberharcèlement. Cependant, cette directive n’inclut pas certains sujets primordiaux comme le viol puisque certains États membres ont estimé qu’il manquait une base légale.
Réalité de la protection des femmes
En considérant toutes ces législations, il semble pertinent d’examiner quelques exemples concrets sur la façon dont elles sont appliquées dans différents pays et ce que chaque nation considère réellement comme une protection.
En Italie, le 13 juillet 2023, la décision d'un juge de déclarer innocent un gardien d'école de 66 ans qui a harcelé sexuellement une jeune fille de 17 ans est devenue virale en tant que « cas de 10 secondes ». Ce terme fait référence à la durée estimée de l’agression, décrite par la victime comme étant « entre 5 et 10 secondes ». Elle a finalement pu justifier l'action de l'homme et laisser des « marges de doute » sur la « nature volontaire de la violation de la liberté sexuelle de la jeune fille (...) compte tenu de la nature même de l'attouchement des fesses, pendant un temps certainement minime » selon la retranscription du jugement faite par le Guardian.
En France, c’est l’exemple de Sandra P., une Française de 31 ans de Bordeaux, qui, en 2018, a sollicité l'aide de la police à plusieurs reprises. Le 2 juillet, elle a malheureusement été tuée à coups de couteau. Ce cas s'ajoute à des centaines de situations où des femmes, faute d'une réponse adéquate des autorités, voient leur quête d'aide se terminer tragiquement. Concrètement, selon l'article du Parisien, une première enquête, initiée à la suite d’une plainte du 6 janvier, a été classée sous condition. En mars, la victime a relancé ses plaintes pour signaler le comportement « obsessionnel » de son ex-compagnon, qui « rôdait autour de chez elle ». Ces démarches ultérieures de la victime n'ont eu que peu d'effet sur le comportement de l'agresseur, et n'ont pas permis d'assurer sa sécurité.
Ces exemples soulignent les défis rencontrés par les systèmes judiciaires dans la prise en charge des violences faites aux femmes et montrent comment des mesures de protection peuvent parfois se révéler inadaptées.
Féminicides en Grèce : une crise ignorée et des mesures insuffisantes
En Grèce, le terme de « féminicide » n’est pas reconnu juridiquement. En effet, depuis 2020, le pays a enregistré une hausse alarmante de 187,5 % des féminicides, avec près de 80 meurtres violents, principalement commis par des maris ou des compagnons.
À la suite de ces événements tragiques pour la société grecque, le gouvernement a mis en place dès 2022 plusieurs initiatives pour la protection des femmes notamment la formation de la police sur les questions de genre et de violence domestique, la création d'une application gratuite (bouton-panique) et l'instauration de centres de conseil et de soutien.
Cependant, ces mesures restent largement insuffisantes face à l’ampleur du phénomène des féminicides. Le cas de Kyriaki Griva tuée devant la station de la police à Athènes, le 1er avril 2024, illustre cette insuffisance. Elle dépose une plainte en 2020, qu’elle retire ensuite, contre celui qui sera l'auteur de son meurtre à l’issue d’insultes, de menaces et d’un viol. Le soir tragique de son assassinat, la jeune femme de 29 ans venait de sortir du commissariat. Elle s'y était rendue en raison des menaces qu'elle subissait encore de la part de cet homme. Le drame s'est produit alors qu'elle était au téléphone avec le centre d'appels d'urgence de la police pour demander une escorte policière.
La protection du corps des femmes en Europe demeure un enjeu majeur. Malgré des avancées législatives et des initiatives notables, les inégalités, les lacunes juridiques et l'insuffisance des dispositifs témoignent d'une urgence à agir. Repenser la justice européenne pour garantir des droits réels et une protection efficace devient crucial.
Écrit par Noémie FRASCHILLA et Marianthi DIMOU
Pour aller plus loin sur notre dossier du mois consacré à la justice européenne, consultez les articles de nos rubriques Relations internationales et Culture sur notre blog.
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